La France comme moteur de la transition énergétique du réseau électrique européen
Plaidoyer
Je m’appelle Ivan Debay et je travaille depuis maintenant treize ans dans le secteur de l’électricité. En 2014, j’ai créé une société spécialisée dans la consommation d’électricité de source renouvelable afin d’aller vers les entreprises et de leur proposer d’agir. Six ans plus tard, les choses ont évolué dans le bon sens mais il y a encore des blocages dans notre pays. Il m’a semblé nécessaire de prendre la plume afin donner mon point de vue. Notre pays peine à trouver son rôle dans la transition énergétique du réseau électrique et cela s’explique par notre histoire.
Commençons par une réalité fâcheuse sur la consommation d’électricité d’origine renouvelable dite “verte”. Ce sont nos voisins qui bénéficient de l’électricité verte française et pas nous ! Pourquoi ? Etant mieux informés sur le fonctionnement du marché de l’électricité, ils sont soucieux de l’origine de l’électricité qu’ils consomment. Ils demandent donc de tracer leur électricité vers des énergies renouvelables qui sont basées en France.
Cela est motivé par l’enjeu de la transition énergétique. Les populations humaines vont souffrir du réchauffement climatique, de la raréfaction des ressources, des pollutions diverses et de la stagnation voire du recul des économies. La transition énergétique est nécessaire pour le maintien de la paix. Les énergies renouvelables offrent des réponses au réchauffement climatique ainsi qu’à l’indépendance énergétique des pays.
Voici un plaidoyer évoquant l’histoire de l’électricité en France et en Europe, analysant ses réussites et ses défis, et proposant des solutions concrètes pour une transition énergétique efficace et durable.
L’accès à l’électricité, un de nos plus beaux services publics.
Le développement rapide et intense des réseaux électriques français et européens.
Amorcé depuis la fin du XIXe siècle, le développement de réseaux électriques essentiellement privés a été rapide et important en France. A partir des années 1920 la consommation électrique quadruple en moins de vingt ans durant cette période qualifiée de « Mégawatt mania ». En 1946, à la sortie de la deuxième guerre mondiale, l’Etat décide de nationaliser le secteur en créant un monopole public nommé Electricité de France (EDF). Ce dernier dispose de la gestion du réseau électrique le plus dense au monde. L’électrification est en forte progression ailleurs également. Après la guerre, tous les pays européens en reconstruction réalisent que le progrès passe par l’accès à l’électricité. C’est ainsi que les compagnies européennes coopèrent afin que les réseaux électriques transcendent les frontières. Cela passe également par une uniformisation des tensions des réseaux de transport par exemple.
Intervention sous tension à distance sur réseau moyenne tension, 1966
A la fin des années 1990, les monopoles verticalement intégrés, de la production à la commercialisation, ont été remis en cause. Beaucoup d’entreprises semblent être en mesure de proposer des services plus performants que les entités établies et bénéficiant de situation de monopole. Un processus d’ouverture du secteur a donc été mis en place au sein de l’Union européenne afin de permettre à d’autres entreprises de proposer des projets de production d’électricité et également d’offrir le service de commercialisation de l’accès au réseau électrique. Cette dernière activité est appelée par raccourci « fourniture d’électricité ».
Le service public assuré par les sociétés de transport et distribution d’électricité.
Il a été convenu que les activités de transport et de distribution d’électricité resteraient publiques et monopolistiques et cela pour trois raisons :
1 — Premièrement leur statut d’infrastructure essentielle est une barrière à l’entrée pour de nouveaux acteurs à la fois au niveau de la production que de la fourniture d’électricité. Cela veut dire qu’une entreprise détenant ces infrastructures a un avantage considérable sur ses concurrents.
Evolution du marché de l’électricité avec la dérégulation
2 — Deuxièmement, la nature de l’infrastructure du transport et de la distribution est considérée comme un monopole naturel. En clair, il est efficient d’avoir un réseau électrique unique sur un même territoire.
3 — Troisièmement c’est à ce niveau que les services publics tels que la continuité et la qualité de la desserte d’électricité ou de l’accès non discriminatoire au réseau ont leur raison d’être.
En France, les lignes à haute tension (de 63kV à 400kV) sont gérées par le Réseau de transport d’électricité (RTE). RTE s’occupe également des quelques 50 interconnexions existantes avec les pays voisins. Les lignes de moins de 63 kV sont gérées par Enedis qui représente 95% du réseau national. Le reste est partagé par 150 autres entreprises locales de distribution (ELD).
Au passage, c’est bien Enedis et les ELD qui viennent s’assurer du bon fonctionnement des installations électriques chez vous. C’est pour cette raison que changer de fournisseur n’a aucun impact sur une éventuelle coupure ou tout autre risque matériel. Pour un consommateur, EDF et les autres fournisseurs “alternatifs” sont de simples commercialisateurs d’accès au réseau électrique.
ENEDIS assure une mission de service public auprès de tous les Français
Le réseau électrique européen fortement interconnecté.
Depuis 1946 et la création d’un marché intérieur de l’énergie, les pays européens se sont employés à se lier les uns aux autres par une forte interconnexion électrique et une harmonisation de la règlementation. Et cet effort continue encore.
L’électricité ne se stockant pas de manière efficace, le meilleur moyen de prévenir des black-out ou encore d’optimiser le développement des énergies renouvelables est de s’assurer que les territoires nationaux sont solidaires les uns des autres. A titre d’exemple, si les éoliennes tournent à fond en Espagne, leur production électrique peut servir aux voisins français et portugais. En France, la capacité d’interconnexion est assurée par 50 câbles de haute tension représentant 13,5 GW de puissance. Selon la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), quatre nouvelles interconnexions seront mises en service dans les prochaines années : « IFA 2 » et « Eleclink » qui nous lieront davantage encore au Royaume-Uni, « Savoie-Piémont » avec l’Italie et « Golfe de Gascogne » avec l’Espagne.
Le réseau d’interconnexions électriques en Europe. Source : ENTSOE. Carte interactive : https://www.entsoe.eu/data/map/
Le niveau d’interconnexion est le paramètre essentiel à prendre en compte lorsque nous essayons de comprendre d’où vient physiquement l’électricité que nous consommons. La distance avec une centrale électrique a bien peu d’importance. Le signal électrique se déplace à environ de 200 000 km/s dans le cuivre soit deux tiers de la vitesse de la lumière. Il a le temps de faire cinq fois le tour de la terre en une seconde. En conséquence, un signal électrique peut provenir tout autant d’une centrale située à 2 000 km que de celle située à deux pas de chez nous. Une centrale située au Danemark peut réagir quasiment instantanément à votre besoin d’électricité si vous habitez Montpellier. C’est la raison pour laquelle il est possible de considérer le foisonnement de la production électrique des énergies renouvelables intermittentes tels que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques à l’échelle européenne.
Il parait donc pertinent d’évaluer l’impact de notre consommation sur l’ensemble de l’espace européen.
Un secteur centralisé qui aime l’ordre établi.
Deux modèles économiques cohabitent dans le secteur de l’électricité :
• L’économie centralisée : L’Etat taxe les citoyens et subventionne les projets qu’il choisit,
• L’économie de marché : Les consommateurs choisissent volontairement des offres proposées par des entreprises.
Historiquement le secteur de l’électricité est plus centralisé en France que dans la quasi-totalité des pays européens. Il est monopolisé en grande partie par l’Etat et EDF, entreprise d’Etat.
L’essentiel de la production et de la fourniture d’électricité est encore réalisé par EDF même si cette dernière activité s’ouvre plus rapidement à la concurrence. EDF dispose de la totalité du parc nucléaire mais également de la majorité du parc hydro-électrique, de centrales à gaz et à charbon ainsi que de moyens de production de source d’énergies renouvelables subventionnées par le contribuable. De plus, le transport et la distribution d’électricité sont restés dans le groupe EDF alors qu’ils devraient être totalement indépendants.
Le schéma illustre à quel point le groupe EDF est intimement lié à l’Etat et l’ensemble de ses organisations. A noter que son principal concurrent, Engie, est également détenu en partie par l’Etat. La grande majorité des salariés de ces deux grands groupes bénéficie du statut « d’assimilé fonctionnaire » dit IEG.
Implication de l’Etat dans le secteur de l’électricité
Concernant les énergies renouvelables, l’attachement à une économie centralisée des décideurs a engendré la création de financements par la taxation et la subvention du secteur. Avec les systèmes d’obligation d’achat et de complément de rémunération qui se sont développés, les taxes ont fortement augmenté. Naturellement un sentiment de rejet émerge dans une population qui perçoit cela comme de l’écologie punitive.
Par ailleurs, le mécanisme de marché de la consommation volontaire d’électricité d’origine renouvelable a été délaissé par l’Etat. Pour s’en convaincre il suffit d’observer le peu d’efforts réalisés de leur part pour le promouvoir. Pourtant, l’Etat a beaucoup à gagner à soutenir ce mécanisme.
Le nucléaire, un secteur qui évolue trop lentement.
Outre le développement du réseau électrique, un autre grand choix industriel a été fait en France, celui du nucléaire. Alors président du Gouvernement provisoire de la République en 1945, Charles de Gaulle fut convaincu que l’énergie nucléaire serait à la fois un axe de la reconstruction économique et une technologie militaire assurant l’indépendance de la France. Le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) a été créé le 18 octobre 1945 pour entamer une des plus grandes aventures industrielles que notre pays ait connues.
En digne successeur de deux couples mythiques que sont Pierre et Marie Curie puis Irène et Frédéric Joliot Curie, la recherche française s’est montrée performante dans la mise au point des réacteurs expérimentaux. Une première série de six réacteurs a été construite de 1963 à 1971. Aujourd’hui, le parc nucléaire français est constitué de 18 centrales totalisant 56 réacteurs dont la puissance installée cumulée est de 61 GW. Il représente plus de 70% de la production électrique en France ce qui est largement plus élevé que n’importe où dans le monde.
Si pendant longtemps l’histoire de l’industrie nucléaire a été considérée comme un succès, son aura a perdu de la vigueur après plus de 60 ans d’existence. Le parc est ancien et les performances s’en font ressentir. En 2017, son taux d’utilisation de 67% est l’un des plus faibles au monde. La recherche et développement de nos « champions nationaux » que sont EDF et Areva (devenue filiale d’EDF sous le nom de « Framatome » à la suite de sa faillite) n’offre pas d’innovation satisfaisante les rendant faibles face à la concurrence internationale dans le secteur nucléaire, mais aussi face aux performances des énergies renouvelables dont les coûts baissent. Par ailleurs, la dépendance énergétique à laquelle est censée répondre l’industrie nucléaire est discutable.
Zone d’entreposage de fûts de déchets de faible et moyenne activité issus du démantèlement de la centrale nucléaire du Garigliano, en Italie. © IRSN/Dureuil
D’un point de vue environnemental, le stockage et le retraitement des déchets restent problématiques. En juillet 2018, le rapport trisannuel de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) rappelle qu’aucun site de stockage n’existe actuellement pour les déchets à haute activité (HA) et moyenne activité vie longue (MA-VL) représentant 3.1% du volume mais 99.8% de la radioactivité cumulée. La mise en service du Cigéo, un centre d’enfouissement à 500 mètres sous la commune de Bure dans la Meuse est en cours de préparation.
Néanmoins l’énergie nucléaire permet de produire massivement de l’électricité avec un taux d’émissions de gaz à effet de serre très réduit. L’important parc français permet de faire de ce pays un atout majeur en Europe pour la production d’une électricité décarbonée. Etre pour le développement des énergies renouvelables ne signifie pas être anti-nucléaire. La question de la pertinence économique de chaque solution doit prédominer pour réaliser une transition énergétique rapide et efficace à l’échelle européenne.
Parlons environnement ! Quel est l’impact de notre consommation électrique ?
L’enjeu principal auquel l’humanité doit faire face est celui du réchauffement climatique. Celui-ci est dû aux émissions de gaz à effet de serre (GES) dont le plus important est le CO2 du fait du volume envoyé par les êtres humains dans l’atmosphère. Je vous propose donc de se focaliser sur ce point.
Dans le monde 39% du CO2 émis est dû à la consommation d’électricité.
La production électrique et de chaleur est la principale source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde juste avant l’agriculture d’après les données de 2010 utilisées dans le dernier rapport du GIEC. La production carbonée d’électricité est aussi le premier contributeur de l’augmentation des émissions CO2 depuis. L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a calculé qu’en 2017 en Europe elle contribue à 39% des émissions liées à l’utilisation d’énergie par l’homme. A titre de comparaison le transport représente 24%.
L’électricité est le facteur d’émission de CO2 le plus grand au monde. Source : IAE.
La raison à cela est que prêt de 40% de l’électricité dans le monde est produite à partir de charbon et 25% à partir de gaz. En Europe, les énergies fossiles sont utilisées dans des proportions équivalentes. En toute logique, 35% des 5 Giga tonnes CO2 envoyées dans l’atmosphère par les européens à cause de leur utilisation d’énergie sont également dues à la consommation d’électricité. Environ 1 kg de CO2 est émis dans l’atmosphère pour chaque kWh d’électricité produit avec du charbon et environ 0.4 kg de CO2 avec du gaz.
A ceux qui aiment rappeler qu’en France le facteur d’émission du mix électrique est faible grâce à notre parc nucléaire, il faut préciser que l’électricité circule au-delà des frontières. A partir du moment où le réseau électrique européen est suffisamment dense, l’ensemble des territoires nationaux le composant peuvent être considérés comme faisant parties d’un même système. Cette vision des choses mérite donc d’être revue.
Alors quel bilan ?
La production d’électricité est, aujourd’hui, de loin, l’activité industrielle qui émet le plus de gaz à effet de serre en Europe. Les énergies renouvelables et le nucléaire sont incontournables pour fermer rapidement un maximum de centrales thermiques. La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est à ce titre critiquable. Agir pour baisser la consommation est utile mais une réduction flagrante de consommation électrique est peu probable. Cela est d’autant plus vrai que le réseau électrique offre la possibilité de migrer des activités tels que le transport ou le chauffage vers une énergie électrique dont on peut réduire les émissions de CO2. Un exemple simple est d’arrêter des lignes aériennes au profit du ferroviaire. Une baisse totale de l’énergie finale utilisée ne signifie donc pas forcément une baisse de la production d’électricité.
En France nous restons coincés avec des systèmes complexes et inefficaces de subventions des énergies renouvelables dont les montants sont estimés et octroyées par l’Etat à des producteurs bénéficiant souvent d’effets d’aubaine. L’exemple le plus flagrant du constat de ces dérives fut l’arrêt net des subventions des panneaux photovoltaïques suite aux recommandations de l’IGF et de la Cour des Comptes en 2009. Ces subventions sont financées par les contribuables sous la contrainte. Ces derniers ont vu leurs taxes exploser (dont la CSPE) ou se multiplier comme l’idée de la taxe carbone sur les carburants. Les conséquences logiques sont des attaques répétées de ces mécanismes dans les tribunaux, ou des comportements opportunistes des entrepreneurs face à l’incertitude liée aux arrêts et reprises de ces mécanismes de financements éphémères.
Dernièrement, nous avons pu constater les milliers de personnes dans la rue qui protestent avec force et fracas en portant des gilets jaunes contre la violence fiscale qui leur est imposée. Cette protestation a démarré à l’annonce d’une hausse du prix du carburant justifiée par l’Etat pour cause environnementale. Il y a donc un problème d’acceptabilité lié à la mise en place d’une politique que l’on peut qualifier d’écologie punitive. En conséquence, diverses réactions négatives ont lieu. Il est absurde de vouloir financer intégralement le développement des énergies renouvelables par l’argent public et la taxation forcée. Le développement serein des énergies renouvelables passe par un partage de valeurs et l’adhésion du plus grand nombre.
Les manifestations des gilets jaunes sont parties d’une mesure du Gouvernement de taxation de l’essence pour motif environnemental (photo de François NASCIMBENI / AFP).
Mais arrêtons là avec les points négatifs. La France a en réalité les plus belles cartes en main. Elle occupe une position centrale géographiquement. Elle est située au milieu des plus grosses économies européennes en étant entourée par le Royaume-Uni, le Benelux, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Avec son réseau dense elle peut alimenter tous ces territoires. De plus, le mix de production français composé essentiellement de nucléaire et d’énergies renouvelables est très peu carbonée. Soyons clair. Si l’Europe avait le même facteur d’émission de CO2 que le parc français, nous aurions résolu une part importante du problème. Et enfin, la France dispose d’un des plus gros potentiels de développement d’énergies renouvelables.
Le rôle de la France est de permettre à cette transition énergétique d’avoir lieu en Europe. Elle doit faire bénéficier à l’Europe de son parc décarboné, de son réseau électrique et de son potentiel de développement des énergies renouvelables. En échange, elle mérite de s’enrichir grâce à cela !
La société civile peut agir…
Les citoyens français réclament une transition énergétique et ils sont prêts à s’engager. Ils le manifestent de différentes manières. Celle qui a été la plus impressionnante a été le nombre de personnes dans la rue lors des marches pour le climat. Récemment les différentes élections montrent également un gain d’intérêt pour la cause environnementale.
Lorsqu’ils sont interrogés, neuf français sur dix répondent qu’ils sont favorables aux énergies renouvelables. La dernière étude du Médiateur de l’Energie (MNE) indique que 61% des français sont prêts à changer de contrat pour une offre d’électricité verte. Et pourtant, nous figurons tristement parmi les derniers en Europe à consommer de l’électricité verte.
Taux de consommation volontaire d’électricité verte en Europe en 2019 – Source : AIB.
Les énergies renouvelables permettent d’améliorer l’impact environnemental lié à notre consommation électrique, de réduire notre dépendance vis-à-vis de pays bénéficiant de ressources fossiles, de réduire la dangerosité de l’activité de production d’électricité et de dynamiser notre économie et particulièrement l’emploi.
La production d’électricité utilisant des énergies renouvelables est plus chère que celle nécessitant les énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) et nucléaire (uranium). Ceci est d’autant plus vrai que même si les énergies renouvelables tendent à voir leur coût de production baisser, il faut prendre en compte leur coût d’intégration dans le réseau. Or certaines énergies renouvelables qui alimentent le réseau électrique ont une production dite intermittente, c’est à dire aléatoire. Cela augmente leur coût d’intégration sur le réseau à mesure que leur part dans le mix de production augmente.
S’il est possible de réduire le facteur d’émission du réseau électrique, le problème à résoudre est financier. En consommant volontairement de l’électricité d’origine renouvelable nous participons à résoudre ce problème.
En choisissant de tracer notre consommation électrique nous valorisons des moyens de production d’électricité vertueux. Produire de l’électricité avec ces moyens devient plus rentable et il est donc plus intéressant pour les producteurs d’entretenir et de développer ces moyens spécifiques.
Comment est-il possible de consommer de l’électricité verte ?
Il est possible de tracer électroniquement l’électricité consommée grâce à une preuve juridique dont l’Etat est caution de la véracité. En utilisant un document électronique appelé Garantie d’Origine, nous avons l’assurance que l’équivalent de l’électricité que nous avons soutiré du réseau est produite en utilisant des énergies renouvelables. C’est le mécanisme utilisé par l’intégralité des offres d’électricité verte disponible en Europe. C’est d’ailleurs une obligation légale.
Quelles seraient les conséquences d’un choix massif pour l’électricité verte ?
En France nous utilisons environ 500 TWh d’électricité par an, ce qui représente un sixième de la consommation européenne. La part de la France dans le marché européen est donc considérable. Or nous ne consommons volontairement que 11% d’électricité verte alors que la moyenne européenne et de 26%. Peu de consommateurs en France demande de l’électricité d’origine renouvelable. Environ 23% de la production d’électricité en France est d’origine renouvelable mais comme les consommateurs en France ne la demandent pas, les Garanties d’Origine associées à cette production sont exportées chez nos voisins européens qui sont heureux d’obtenir de l’électricité verte à notre dépend.
Concernant les Garanties d’Origine 2019, la France a une balance commerciale exportatrice de 21,3 TWh de Garanties d’Origine. En échange l’empreinte carbone nationale est alourdie de 8,6 Gigatonnes d’équivalent CO2 en 2019. Nous sommes les plus gros exportateurs nets de Garanties d’Origine derrière la Norvège.
Imaginons que nous consommions au moins autant d’électricité verte que nous produisons en France c’est-à-dire 23%. Il y aurait 70 TWh de Garanties d’Origine qui ne seraient plus disponibles pour le marché européen puisque consommée en France. Une telle hausse de la demande engendrerait une hausse significative de la valeur des Garanties d’Origine qui pourraient ainsi jouer pleinement leur rôle de créateur de signaux d’investissement. Nous pourrions alors envisager un financement durable et efficace des énergies renouvelables en sélectionnant en Europe les projets les plus pertinents car viables économiquement.
Le tableau ci-dessous fait état de l’engouement européen pour l’électricité verte. La demande a besoin de la France pour atteindre un niveau de tension sur ce marché.
Les Garanties d’Origine d’énergies renouvelables utilisées en Europe entre 2009 et 2020 – Source Grexel
…et l’Etat doit l’accompagner
Si je pense que beaucoup peut se faire de manière volontaire, l’Etat peut être présent pour accompagner cet engouement pour un monde plus durable. Je vous propose d’évoquer ici la protection du service public, la transparence, l’exemplarité et l’élégance réglementaire.
Des entités responsables du service public financées solidairement par les citoyens.
Le service public a pour but de garantir l’accès à l’électricité pour tous, peu importe le lieu de vie, en investissant dans les infrastructures adéquates. Il faut que le transport et la distribution d’électricité restent publics et monopolistiques.
En termes de financement, il est important que la contribution soit solidaire. Il faut éviter la tentation de mettre en place des mécanismes d’exonération. Certains discutent de négocier le tarif d’accès au réseau (TURPE) en raison d’une moindre utilisation d’électricité sous prétexte d’être en régime d’autoconsommation. Rappelons que le service du réseau consiste à pouvoir bénéficier d’électricité à tout moment. Ce service ne devrait pas se monnayer en fonction du kWh consommé. Si certains peuvent bénéficier d’une exemption partielle du TURPE, nous creusons encore les inégalités sociales. Leur permettre de payer moins de TURPE c’est faire peser sur le reste de la population le coût du service public.
Afin que le service public fonctionne correctement, les entités qui en sont responsables doivent être clairement identifiables et indépendantes. Le fait que RTE, Enedis et d’autres entreprises locales de distribution soient encore détenues par EDF contribue à maintenir une confusion dans l’esprit des gens. Ces entités devraient appartenir directement à l’Etat et être financées par la contribution solidaire des citoyens.
Alors, de grâce, maintenons et même progressons dans la qualité de ce service public et dans la solidarité de son financement ! La transition énergétique doit contribuer à réduire le risque d’une potentielle fracture sociale, et pas le contraire.
Davantage de transparence
Les consommateurs doivent être convaincus de l’intérêt et des impacts positifs d’opter pour des offres vertes. La consommation volontaire d’électricité verte reste faible comparée au reste de l’Europe. Cela s’explique par un manque de notoriété et de compréhension des offres d’électricité.
Voici deux mesures qui ne demandent quasiment aucun moyen si ce n’est de l’honnêteté envers les citoyens de la part des services de l’Etat.
1. Expliquer et promouvoir la consommation d’électricité verte.
En quoi le choix d’une consommation d’électricité verte est une incitation à la transition énergétique ? Beaucoup de désinformation a été divulguée et il est nécessaire de mettre des moyens pour réinformer correctement les citoyens. L’Etat doit rétablir la vérité sur le fonctionnement du marché de l’électricité en expliquant en quoi le mécanisme de l’achat d’électricité verte permet de financer la transition énergétique et doit également faire l’effort de communiquer dessus.
Sans effort de transparence on peut dire n’importe quoi sur les énergies renouvelables.
2. Imposer la transparence aux fournisseurs d’électricité.
Nous souffrons d’un manque de transparence sur l’aspect environnemental des offres d’électricité. Ce problème a pourtant été identifié depuis longtemps en Europe au point que c’était écrit dans une directive européenne de 2003 !
Extrait de la directive européenne 2003/54/CE :
« (2) L’expérience acquise avec la mise en œuvre de ladite directive montre les avantages considérables qui peuvent découler du marché intérieur de l’électricité, en termes de gains d’efficacité, de baisses de prix, d’amélioration de la qualité du service et d’accroissement de la compétitivité. Cependant, d’importantes lacunes subsistent et il reste possible d’améliorer le fonctionnement de ce marché; des dispositions concrètes sont notamment nécessaires pour garantir des conditions de concurrence équitables au niveau de la production et réduire le risque de domination du marché et de comportement prédateur, en garantissant des tarifs de transport et de distribution non discriminatoires par l’accès au réseau sur la base de tarifs publiés avant leur entrée en vigueur, et en garantissant la protection des droits des petits consommateurs vulnérables et la divulgation des informations sur les sources d’énergie pour la production d’électricité, ainsi que la référence aux sources, le cas échéant, en donnant l’information sur leur impact sur l’environnement. »
Plus de 15 ans plus tard, nous nous posons toujours la question d’où vient l’électricité proposée par les fournisseurs d’électricité. L’Etat doit exiger une transparence totale concernant le mix énergétique de l’intégralité des offres d’électricité proposées aux français. Tout consommateur, résidentiel ou professionnel, doit pouvoir vérifier l’intégralité des Garanties d’Origine attribuées à chaque offre d’électricité.
Une réglementation plus élégante
Quelques points de réglementation peuvent être améliorés afin de permettre aux consommateurs d’agir dans de meilleures conditions.
1. Un calcul de l’empreinte carbone incitatif (soft régulation).
De par sa non-reconnaissance de la comptabilité carbone qu’elle propose, l’Ademe (agence étatique) bloque les entreprises qui ont besoin de cette incitation pour agir.
La méthode de calcul de l’empreinte carbone retenue par la loi (article L229–25 de la loi TECV) exclut artificiellement la démarche de consommation d’électricité verte. Cela va à l’encontre des pratiques internationales dont la référence est le GHG Protocol qui invite explicitement à prendre en compte cette démarche. Ce problème a été souligné par l’ONG « Carbon Disclosure Project », qui demande explicitement de boycotter les méthodes émanant de l’Ademe.
2. Une vente libre de Garanties d’Origine (GO).
Avec le nouveau dispositif de complément de rémunération introduit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) publié au JO du 18 août 2015, le producteur voit ses Garanties d’Origine expropriées par l’Etat. C’est un frein au dynamisme du marché.
Si le producteur a le droit de vendre lui-même ses GO, il est incité à développer des offres susceptibles de plaire aux consommateurs. Cette liberté va permettre de motiver les entreprises consommatrices d’électricité ainsi que des fournisseurs d’électricité à choisir l’électricité d’origine renouvelable. Il est par ailleurs possible d’imaginer une solution de rachat des GO à l’Etat afin de le rémunérer. A noter que ce principe relèverait d’une mise en conformité avec l’article 19 de la directive européenne REDII.
3. Une traçabilité intégrale.
Dans certains pays européens, la traçabilité de l’électricité doit être réalisée pour tout MWh consommé peu importe sa technologie. Ce mécanisme est appelé le « full disclosure ». Ainsi, si le consommateur ne souhaite pas utiliser d’énergies renouvelables, il doit acheter des GO provenant de centrales nucléaires ou utilisant des énergies fossiles. En Autriche, cette pratique a pour conséquence une consommation volontaire d’électricité de source renouvelable de 98%. Sans vouloir atteindre un tel niveau, nous pouvons espérer qu’une telle réglementation augmenterait significativement le taux actuel de consommation verte en France qui est lui de près de 11%.
L’Etat peut être un consommateur exemplaire.
Les organismes et entreprises étatiques sont aussi des consommateurs d’électricité. Il existe aujourd’hui la possibilité d’opter pour de l’électricité verte pour ces organisations également. La consommation électrique des services de l’Etat représente environ 4 TWh.
De plus, RTE et Enedis, certes maintenues en tant que filiales du groupe EDF mais qui restent des entreprises publiques pourraient utiliser exclusivement de l’électricité de source renouvelable. Leur consommation électrique représente respectivement environ 11 TWh et 23 TWh.
En 2019, le Ministère de la Transition écologie et solidaire, la Sorbonne, Science Po, le Mont Saint Michel ou encore plusieurs Châteaux de la Loire sont passés à l’électricité verte – Photo de Liubomir Paut-Fluerasu
Conclusion
Il est essentiel que nous, consommateurs d’électricité français, prenions conscience du rôle primordial que nous avons dans la transition énergétique du réseau électrique européen. La consommation d’électricité est la principale cause d’émissions de gaz à effet de serre en Europe et cela inclut la France. La France n’est pas une ile coupée électriquement du reste de l’Europe. C’est tout le contraire ! La France est au centre du système électrique européen et un acteur majeur du marché intérieur européen. La France produit déjà une énergie décarbonée, c’est vrai. Mais ce qui est produit en France n’est pas ce qui est automatiquement consommé par les français. L’énergie électrique, de par sa nature physique, de la densité du réseau et des infrastructures existantes, circule librement sur le territoire européen.
Faire le choix volontaire d’une consommation d’électricité de source renouvelable a un sens fort, celui de plébisciter son développement. C’est un outil puissant, un rouleau compresseur en faveur de la transition énergétique. Un consommateur d’électricité verte participe à un mouvement permettant aux énergies renouvelables de se développer durablement et efficacement. Si en France nous optons pour une consommation d’électricité de source renouvelable, nous obligeons les producteurs européens à s’organiser pour accélérer la transition énergétique.
Nous sommes l'association de promotion de l'électricité verte.
Alors que la France figure tristement parmi les derniers en Europe à consommer de l’électricité verte avec 17,43% seulement en 2023, des millions de français cherchent à agir en marchant pour le climat ou en luttant contre l'écologie punitive.
Faire le choix de l'électricité verte, c'est lutter contre le dérèglement climatique, soutenir une économie pérenne, locale et assurer un futur vivable pour nos enfants.
Notre objectif : faire de la France le 1er pays consommateur d'électricité verte en Europe
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