Rodolphe Schennen de Commerg : booster la demande d’électricité verte

par | Oct 26, 2021 | Interviews

QuiEstVert donne la parole à ses membres ! Aujourd’hui, c’est Rodolphe SCHENNEN, Managing Director chez Commerg qui nous donne sa vision de la transition énergétique et du mix électrique européen.

Commerg est un courtier en certificats énergétiques neutres et transparents. Sa mission : accompagner les entreprises qui souhaitent s’approvisionner en électricité d’origine renouvelable au meilleur prix.

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Bonjour Rodolphe Schennen ! Première question : quelle place la transition énergétique occupe-t-elle au sein de la lutte contre le réchauffement climatique ?

La transition énergétique occupe une place centrale dans la lutte contre le réchauffement climatique.

L’énergie étant l’un des plus gros postes d’émission de CO2 dans le monde et en Europe, c’est à elle que l’on pense en premier lorsque l’on parle de décarbonation. Preuve en est dans le cadre du GHG Protocol, c’est au niveau du SCOPE 2 que les entreprises agissent en premier lieu lorsqu’elles veulent atteindre la neutralité carbone.

interview Rodolphe SCHENNEN bilan carbone les différents scope

Quel est votre avis sur la situation de la France par rapport à la transition énergétique ?

Etant belge et travaillant en Belgique, je ne peux que vous donner ma vision extérieure des choses. A mon sens, la politique occupe une place très importante dans les prises décisions lorsqu’il est question d’énergie en France. Avec beaucoup d’organisations étatiques et un marché de l’électricité encore largement aux mains de l’Etat (84% détenus par EDF), les prises de décisions stratégiques sont souvent verrouillées.

« La politique occupe une place très importante dans les prises de décisions […] »

Par ailleurs, la France affiche un historique qui lui est propre et qui diffère de ses voisins européens, en raison des choix stratégiques qu’elle a fait il y a cinquante ans à propos du nucléaire (notamment sur la question du prix). Certes, ces points peuvent être perçus comme une chance vus de l’extérieur (= plus de stabilité, prémunition contre l’augmentation des prix du fossile). En revanche, cela traduit aussi un double discours, quand, d’un côté elle parle d’Europe et d’union, mais que de l’autre, elle prend des décisions qui favorisent davantage ses propres intérêts .

Dans le cadre de l’électricité verte, c’est un peu le même sentiment et nous en avons eu l’exemple récemment, notamment avec la question des enchères et du label de l’ADEME. Même s’il est certain que chaque pays défend ses intérêts et compte de nombreux lobbies, je trouve que cela reste fort en France.

Interview Rodolphe SCHENNEN implication de l’Etat dans l’électricité

Que faudrait-il faire, selon vous, pour que l’Europe en finisse avec les énergies fossiles ?

Pour moi, l’une des solutions fortes pour en finir (ou en tous cas, réduire considérablement) le fossile, c’est l’instauration du full disclosure (traçabilité totale des MWh ndlr.).

Le full disclosure serait une base solide pour créer un système comptable des MWh qui circulent. Je parle de système comptable parce que l’on peut comparer le MWh à de l’argent : lorsque l’on dépense une somme d’argent, on ne cherche pas à savoir à quelle heure de travail effectuée elle correspond. Ce qui compte, c’est que la comptabilité finale entre les entrées et les sorties soit correcte. Il en est de même pour le MWh : peu importe de l’heure de production/de consommation du MWh, tant qu’à la fin les GO sont effectivement et correctement utilisées. Le full disclosure est donc un outil de financement de la transition énergétique, car on obtient une comptabilité totale de ce qui est produit et consommé.

« Le full disclosure serait une base solide pour créer un système comptable des MWh qui circulent. »

Par ailleurs, le full disclosure présente l’intérêt de pouvoir être adapté quelques soient les politiques en vigueur et les gouvernements (notamment en termes de prix et de taxes).

A noter qu’aujourd’hui nous avons tout ce qu’il faut pour le mettre en place, que ce soit le registre, le régulateur, les instruments de mesure… Il suffit juste de comprendre que tout cela fonctionne de manière comptable et qu’il ne faut pas à tout prix vouloir coller à la réalité physique. En clair, ce serait un outil fantastique.

A votre avis, les consommateurs sont-ils suffisamment informés sur les moyens d’action qui existent, et notamment la Garantie d’Origine ?

Je pense qu’ils sont informés, car de plus en plus de gens s’intéressent à la consommation d’électricité d’origine renouvelable, mais ce n’est clairement pas assez et on peut faire mieux.

Le souci c’est que l’on s’arrête souvent à la première étape de compréhension, sans saisir le décalage qu’il existe entre réalité physique du réseau électrique et logique marchande. Résultat, nombreux sont celles et ceux qui se disent « Ah, alors je ne peux pas vraiment savoir quel MWh je consomme, donc c’est du green washing », et ne vont pas plus loin dans la démarche.

Certes, on parle d’ici d’un sujet technique. Mais je pense que c’est précisément le rôle d’acteurs comme QuiEstVert, d’aider ces personnes à mieux saisir le fonctionnement du marché de l’électricité et de la GO.

Que répondre à des personnes qui se positionnent contre le développement des énergies renouvelables (EnR) ?

A mon sens, il y a deux typologies de personnes qui se disent contre le renouvelable.

Il y a d’un côté ceux qui sont contre la machine en elle-même (on peut citer en exemple les habitants bretons qui refusent l’installation d’un parc éolien à côté de chez eux). C’est un point de vue qui se défend, et on notera d’ailleurs que leur réaction serait la même quelque-soit l’installation (une usine, une centrale…).

Il y a de l’autre côté les personnes contre les énergies renouvelables au sens macro du terme. A mon sens, les EnR sont déjà trop ancrées dans nos modèles de développement, dans nos économies et dans nos organisations. C’est une évolution systémique contre laquelle on ne peut pas lutter, il est déjà trop tard. Pour moi, il n’y a même pas lieu d’argumenter.

« C’est un débat qui sera amené à souffler par lui-même. »

Par ailleurs, on pourrait presque dire qu’il s’agit d’un débat générationnel. La nouvelle génération, celle qui sera au pouvoir d’ici 15 ans, ne se pose même pas la question de savoir si les EnR sont la réponse ou non. Elles sont incontournables. Et ce n’est pas qu’une question de modernisme, on peut apprécier ce qui appartient au passé sans pour autant être réfractaire à tout.

En bref, je pense que c’est un débat qui sera amené à s’essouffler par lui-même et dont il ne faut pas accorder trop d’importance.

Selon vous, que faut-il faire pour booster la consommation d’électricité verte en Europe ?

Il y a deux points essentiels.

Premièrement, comme je l’ai évoqué tout à l’heure, je pense que le full disclosure à la consommation permettrait de booster la consommation d’électricité renouvelable. En instaurant une comptabilité du MWh, les consommateurs sauraient exactement d’où provient l’intégralité de l’électricité qu’ils utilisent. Et comme peu de personnes consomment volontairement des énergies fossiles, beaucoup se tourneraient instinctivement vers des énergies propres.

Deuxièmement, même si cela peut paraître trivial, je suis pour un radicalisme politique (temporaire) en faveur du vert. Je trouve que les choses avancent encore trop lentement et qu’il est nécessaire de pousser les choses, encore et encore, pour éveiller les consciences. Quand on provoque, cela suscite des réactions et c’est de cela dont on a besoin dans un premier temps.

Par quelles actions Commerg s’engage-t-elle dans la transition énergétique ?

Chez Commerg, nous nous engageons au travers des produits que nous offrons et qui sont des produits auxquels nous croyons.

Plus important encore, l’équipe de Commerg regroupe des personnes qui partagent la même vision, les mêmes valeurs et qui croient au potentiel des EnR. D’ailleurs, nous tâchons de nous appliquer à nous-mêmes ce que nous prônons : par exemple, nous réalisons chaque année notre audit d’empreinte carbone. L’objectif est d’entretenir cette culture d’entreprise et de jouer le jeu autant que possible.

Comment cela passe à travers les produits et services de l’entreprise ?

Chez Commerg, nous commercialisons des produits que nous aimons, à savoir la Garantie d’Origine et autres certificats d’attribut d’énergie, qui œuvrent pour la transition énergétique.

Nous avons aussi récemment créé une filiale, Commerg Solutions, qui réalise de l’audit carbone pour les entreprises. Nous avons commencé à Malte et avons pour ambition de nous étendre plus largement en Europe.

En résumé, nous travaillons et proposons des produits auxquels nous croyons, qui participent à développer pour un monde plus respectueux de l’environnement.

Pouvez-vous nous en dire plus sur Commerg Solutions ?

Commerg Solutions propose de l’audit carbone aux entreprises. 

C’est un sujet que l’on cherche toujours à approfondir et dont nous voulons faire une vraie expertise. L’objectif est d’aller beaucoup plus loin dans la connaissance liée aux émissions de carbone des entreprises, et de les aider à identifier très clairement quels sont les postes les plus émetteurs de GES et agir pour réduire leur impact.

L’idée pour nous étant par de devenir un réel acteur dans ce domaine et d’étendre notre offre à tout le SCOPE 2.

Le mot de la fin ?

Je suis à la fois très content et fier d’être un membre de QuiEstVert.

Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de constater à quel point le message n’est pas facile à faire passer, et de voir tout le chemin qu’il reste encore à parcourir… D’autant plus que les grandes organisations étatiques, aux discours parfois biaisés, ne facilitent pas souvent les choses. Mais justement : j’ai la conviction que des acteurs comme QuiEstVert portent à la fois un message juste, utile, courageux, et que leur travail est nécessaire.

Je pense que le temps fera les choses, de manière plus ou moins rapide, certes, et c’est pour cela qu’il faut continuer de marteler le message. Quoiqu’il en soit, c’est au niveau de la consommation que cela se passera.

 

💬 Retrouvez les interviews des autres membres de QuiEstVert :
José Caballero – Directeur Général Adjoint chez Mint
Julien Tchernia – PDG et fondateur chez ekWateur
Antoine Garcier – Directeur Général chez ENERGIE D’ICI
Albert Codinach – CEO de Planète Oui
Aurélien Barbier – Responsable Valorisation Énergétique chez Green-Access
Dania Piccioli – Directrice Marketing et Communication chez Nvalue
Ivan Debay – CEO chez Origo

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