Label d’électricité verte en France : quoi, comment ?
Mise à jour le 14 Juin 2024
Depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, le nombre d’offres d’électricité verte a considérablement augmenté. Il pose un problème : comment obtenir de l’information qualitative et transparente sur ces offres ? Dans ce contexte, la création d’un label est-elle pertinente ? Quels seraient son utilité, ses critères et ses impacts ? Nous tentons d’y répondre dans cet article.
Dans cet article, nous revenons sur la pertinence d’un label d’électricité verte en France :
- Rappel sur la réalité du marché électrique européen
- Quelle pertinence pour un label d’électricité verte ?
- Les labels d’électricité verte existants
- Quelles préconisations pour un label d’électricité verte français ?
Rappel sur la réalité du marché électrique européen
Pour bien comprendre les enjeux, il faut avoir en tête trois points essentiels sur le réseau électrique :
L’électricité pollue
C’est un fait, l’électricité pollue. Chez QuiEstVert, il s’agit de notre cheval de bataille puisqu’en Europe, la production d’électricité est le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre devant les transports et l’agriculture. Elle représente 30% des émissions de CO2, soit 899 millions de tonnes relâchées dans l’atmosphère chaque année ! [1]
Nous sommes des consommateurs européens
Depuis les années 50, les pays européens se sont interconnectés et ont unifié leurs réseaux électriques, pour atteindre une capacité de production électrique suffisante pour couvrir la consommation européenne. Cela a permis de développer un réseau qui favorise une stabilité optimale et une solidarité entre les pays. La France est directement interconnectée avec 6 de ses voisins : le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Ainsi, physiquement, tant que les interconnexions aux frontières ne sont pas saturées, l’électricité circule librement et tous les européens la consomment.
Lorsqu’un français allume la lumière chez lui, l’électricité peut aussi bien provenir d’une centrale à charbon allemande que d’un parc éolien des Pays-Bas. C’est pourquoi il faut se considérer comme des consommateurs d’électricité européens.
La France bloque la transition énergétique européenne
En 2023, la France représentait 15,36% de la consommation électrique totale européenne (= 445,7 TWh) [2]. Sa consommation d’électricité d’origine renouvelable représentait quant à elle seulement 8,85% (= 137,2 TWh) de la consommation verte totale européenne [3]. Avec un tel écart entre consommation totale d’électricité et consommation d’électricité verte, on comprend qu’il existe un potentiel inexploité.
Dans le même temps, la France produit 27,41% de son électricité [4] avec des énergies renouvelables. Seulement ? Oui, l’électricité d’origine renouvelable, boudée par les français, est consommée chez nos voisins. En 2022, elle a exporté 47 TWh de Garanties d’Origine [5], ceci au bénéfice des consommateurs d’autres pays européens. Ces derniers n’ont donc pas besoin de développer leurs propres moyens de production puisqu’ils bénéficient des GO françaises à des prix ridiculement bas. De par cette situation, la France bloque la transition énergétique en Europe.
Source : EEX ; Exportations de GO françaises ; 2023.
Quelle pertinence pour un label d’électricité verte ?
Alors que libéralisation du marché date de 2007, seul 1 français sur 5 déclare avoir déjà changé de fournisseur d’électricité. Pourquoi ?
On ne mesure pas assez l’impact de notre choix de consommation
Premier constat : de nombreux consommateurs n’ont pas conscience de l’impact que leur choix de consommation électrique peut avoir sur la transition énergétique.
Or, il s’agit d’une logique d’offre et de demande. Si la demande de l’électricité verte est supérieure à l’offre disponible, les producteurs sont contraints d’investir dans de nouveaux moyens de production. Cette situation permettrait un développement durable et efficient des EnR, via une demande volontaire et atomisée. C’est ce que l’on appelle le principe d’additionnalité collective. Chaque consommateur, entreprise, collectivité ou fournisseur d’électricité qui s’engage contribue à faire pression sur le marché. C’est pour cette raison qu’il faut choisir une électricité de source renouvelable ! Il existe déjà des cas de figure en Europe, où cela fonctionne. Aux Pays Bas et en Espagne par exemple, des parcs renouvelables se créent sans aucune subvention publique.
On manque d’information claire et transparente
Deuxième constat : beaucoup de consommateurs sont frileux quant au changement d’offre/de fournisseur d’électricité. Pourquoi ? En raison d’un manque d’information claire et transparente sur le sujet. Par ailleurs, l’électricité verte est souvent controversée. Elle suscite des avis différents et plus ou moins avérés, relayés par les médias, associations de consommateurs et influenceurs. Ce manque de clarté décrédibilise la démarche d’une forte majorité d’entreprises, de collectivités et de fournisseurs d’électricité qui œuvrent réellement pour la transition énergétique… Évidemment, cela ne favorise pas le passage à l’acte chez le consommateur.
Rappelons que seule la Garantie d’Origine constitue le moyen légal de consommer de l’électricité issue des énergies renouvelables.
La création d’un label serait pertinente pour le marché français car il manque de transparence. Le dispositif pourrait miser sur la pédagogie, pour montrer l’intérêt de consommer volontairement vert. Il faut inciter les fournisseurs à plus de transparence quant aux GO utilisées pour leurs offres d’électricité. Comment ? Notamment en déterminant un cahier des charges pour les GO, qui détermine les offres en faveur de la transition énergétique. Il faut donc être simple et rigoureux pour éviter aux acteurs du marché d’avancer des arguments douteux sur le caractère vertueux de leurs offres.
Les labels d’électricité verte existants
Nous avons recensé dans cet article 5 labels d’électricité verte importants à travers l’Europe. OKpower (Allemagne), EKOénergie (international), Naturmade (Suisse), MilieuKeur (PaysBas) et Bra Miljöval (Suède). Tous ces labels possèdent des points communs :
- Les offres labellisées doivent offrir 100% d’électricité d’origine renouvelable (éolien, solaire, hydraulique, biomasse)
- Tous les labels se basent sur la Garantie d’Origine. Elles permettent de tracer légalement l’origine de l’électricité consommée et de soutenir financièrement la filière renouvelable.
Chacun a ensuite ses critères distinctifs :
- Le label EKOénergie n’est attribué que si le moyen de production est situé en dehors d’espaces naturels protégés. Concernant l’énergie hydraulique, elle doit prendre en compte plusieurs choses. Parmi elles, l’importance de la préservation d’un flux continu, la migration des poissons et le maintien des habitats adéquats pour les espèces aquatiques
- Pour OKpower, il faut récompenser le comportement du fournisseur. Si ce dernier veut être labelisé, il ne doit avoir aucune implication dans les centrales nucléaires, au lignite ou au charbon
- Chez Naturmade, MilieuKeur et Bra Miljöval, le cycle de vie de production est un critère important. Ces labels valorisent un cycle de vie des moyens de production à haute valeur environnementale
- Bra Miljöval quant à lui, reprend le critère du localisme. Seules les offres d’électricité venant de moyen de production de Suède, Norvège, Finlande ou Danemark peuvent être labelisées.
En étudiant ces labels, nous nous apercevons qu’ils ont tous une dimension nationale (à l’exception d’EKOénergie). Nous remarquons également que l’intégralité de ces labels se focalisent sur l’outil légal de traçabilité à savoir la Garantie d’Origine. Notons qu’Okpower fait exception car il juge en plus le comportement global du commercialisateur d’électricité.
Quelles préconisations pour un label d’électricité verte français ?
Finalement, quels sont les critères et les recommandations à appliquer pour un label d’électricité verte français ?
Nous pensons qu’un label d’électricité verte devrait reposer sur deux grands principes :
- La transparence : étant le seul outil de traçabilité légal de l’électricité, la GO est un pilier pour le soutien de la production d’électricité issue des EnR. Pour cela, les fournisseurs doivent être totalement transparents concernant son utilisation.
- L’additionnalité : qui repose sur le principe d’une demande collective et volontaire. Elle incite ainsi les offreurs à optimiser les moyens de production existants et/ou à en développer de nouveaux.
Les critères
Dans le détail, il faudrait que les critères de ce label soient clairs, simples et ambitieux. Ils doivent aussi reposer sur la transparence et la pédagogie. Ceci pour rassurer le consommateur et lui apporter les informations nécessaires pour effectuer son choix. Voici les critères qui nous semblent pertinents :
- Des fournisseurs transparents : pour être labélisé, un fournisseur doit associer à chaque offre d’électricité le détail des GO utilisées. Un gain de confiance pour les consommateurs qui peuvent se fier à un critère robuste et compréhensible.
- De l’électricité locale : le fait de choisir des GO françaises exerce une pression économique plus importante sur une offre restreinte. Ce critère permet d’atteindre plus rapidement une situation économique favorable à l’additionnalité collective.
- La date de mise en service des installations mentionnée sur les GO : même si la situation idéale est l’additionnalité collective, l’additionnalité individuelle doit être valorisée également en attendant. C’est pourquoi une offre intégrant des GO provenant d’installations récentes devrait être valorisée.
- Des offres composées à 100% d’énergies renouvelables : puisqu’il est important de soutenir l’utilisation massive de GO.
- Si nécessaire à la création d’offres premium : une gestion sur un pas de temps plus restreint, une contribution à un fond, une sélection sur les qualités environnementales des centrales peuvent être des idées intéressantes…
Conclusion
Nous conclurons par cette réflexion de M. Vanholme (EKOénergie) :
« L’existence de plusieurs labels indépendants n’est pas un problème. Cela aurait plutôt un effet bénéfique car la transition énergétique en serait dynamisée. Il y a de nombreuses organisations traitant de l’environnement. Si chacune d’elles amène de la dynamique sur le marché et incite les consommateurs à faire plus, il n’y a que du positif ».
Note : ce dossier propose des réflexions concernant la création d’un label d’électricité verte. Il se base sur des études, des entretiens réalisés avec des professionnels du secteur et des données de marché.
Sources :
[1] Ministère de la Transition Ecologique ; « Chiffres clés du climat France, Europe et Monde », 2023
[2] Consommation électrique EU – AIB 2023
[3] Consommation électrique verte EU – AIB 2023
[4] Rte ; Production électrique renouvelable française ; 2023
[5] EEX ; Exportations de GO françaises ; 2023
Auteurs : Guilhem Masson & Sophie Juvenon
Photo by Joshua Fuller ; Javier Allegue Barros ; Alex Eckermann ; American Public Power Association ; Luca Bravo
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