Controverse Garantie d’Origine : l’intervention d’Ivan Debay
Mise à jour le 24 mars 2023
Le 10 décembre 2019, l’Energie en Lumière publiait une controverse sur la Garantie d’Origine comme outil de traçabilité pour l’électricité verte. Parmi les points de vue recueillis pour éclairer le sujet, celui d’Ivan Debay, fondateur d’Origo et président de QuiEstVert. Dans cette interview, il présente notamment les conventions qui régissent le marché de l’électricité en Europe. Il s’attarde aussi sur le mécanisme des Garanties d’Origine (GO) et le rôle crucial qu’elles jouent dans la transition énergétique européenne. Retour sur les grands axes de cette prise de parole.
Dans cet article, nous reprendrons l’intervention d’Ivan Debay en 5 grands points :
- La Garantie d’Origine, l’unique outil permettant l’existence d’offres d’électricité verte
- Le cercle vertueux généré par le mécanisme de la Garantie d’Origine
- Nos réponses à ceux qui décrédibilisent le mécanisme de la Garantie d’Origine
- La transition énergétique européenne se joue en France
- Un système vertueux qui pourrait être davantage optimisé pour arriver à ses fins
La Garantie d’Origine, l’unique outil permettant l’existence d’offres d’électricité verte
Le marché de l’électricité est un marché de conventions qui valorisent certaines caractéristiques de l’énergie qui transite dans le réseau. Parmi ces conventions, la Responsabilité d’Equilibre et la Garantie d’Origine. La Responsabilité d’Equilibre valorise la localisation et le moment où l’électricité est injectée dans le réseau. La GO, a été créée en complément de la Responsabilité d’Equilibre pour valoriser la manière dont l’électricité est produite. Cela comprend notamment son origine géographique, la technologie et l’énergie utilisées pour sa production.
« La Garantie d’Origine valorise la manière dont est produite l’électricité et permet aux énergies renouvelables de se développer. [Elle] puise sa force dans l’obligation légale de traçabilité »
En Europe et en France, la GO est un document électronique et légal. Elle atteste que l’électricité consommée est bien d’origine renouvelable. De ce fait, il est le seul outil qui prouve le caractère vert d’une offre d’électricité.
« Personne n’a le droit de prétendre consommer de l’électricité d’origine renouvelable sans une attestation d’utilisation de Garanties d’Origine émanant du teneur de registre EEX. La loi l’interdit. »
En accroissant la demande de GO (nous parlons ici des consommateurs finaux), les producteurs d’électricité se verront confrontés à une demande à laquelle ils auront du mal à faire face. De ce fait, ils seront encouragés à investir dans de nouveaux moyens de production utilisant des énergies renouvelables. Vous l’aurez compris, la consommation d’électricité verte est un moyen de faire bouger concrètement les choses, en augmentant la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.
« La Garantie d’Origine nous permet de choisir ce qui doit alimenter le réseau […] En utilisant des Garanties d’Origine, le consommateur exerce une pression économique en faveur de la transition énergétique à l’échelle européenne. »
Le cercle vertueux généré par le mécanisme de la Garantie d’Origine
Au delà de jouer un rôle clé dans la transition énergétique, le mécanisme des Garanties d’Origine créé un cercle vertueux qui permet aux énergies renouvelables (EnR) de devenir rentables. Cela s’est vérifié aux Pays-Bas et en Espagne, où les GO ont permis de créer des moyens de production sans subventions des Etats.
Aux Pays-Bas, d’importants projets éoliens ont vu le jour de cette manière. Cela s’explique par le fait que les hollandais cherchent avant tout à consommer de l’électricité provenant d’éoliennes hollandaises. Cette demande de GO spécifiques (donc plus rares), a eu pour effet la croissance des prix : 7€ le MWh. Ce qui est intéressant, c’est que les hollandais sont prêts à payer ce prix pour favoriser l’activité éolienne de leur pays.
« Les projets éoliens peuvent donc voir le jour sans subvention car le cumul de la rémunération liée au processus de Responsabilité d’Equilibre auquel s’ajoute la valeur de la Garantie d’Origine, permettent aux producteurs d’obtenir un gain suffisant. »
Parc éolien en mer de Nysted au Danemark
Ainsi, la marge élevée sur le prix de ces Garanties d’Origine a permis de créer et développer de nouveaux parcs, sans aucune subvention de l’État.
« L’objectif de la Garantie d’Origine est d’apporter la valeur supplémentaire nécessaire pour qu’un moyen de production vertueux soit rentable. »
Du côté de l’Espagne, le photovoltaïque est rentable même si la GO vaut moins d’1€ le MWh. Cela s’explique par un prix de rémunération de la Responsabilité d’Equilibre suffisamment élevé pour l’instant. C’est-à-dire que les producteurs de solaire espagnols rendent suffisamment service au réseau cherchant à s’équilibrer. Si toutefois l’investissement massif dans le solaire venait à dégrader cette situation, la GO pourrait compenser le déficit de rémunération de la Responsabilité d’Equilibre.
Nos réponses à ceux qui décrédibilisent le mécanisme de la Garantie d’Origine
Malgré les forces évidentes que présente le mécanisme des GO, certains cherchent encore à le décrédibiliser. Toutefois, les arguments brandis relèvent souvent du détail et n’ont pas leur importance dans le rôle que jouent les GO dans la transition énergétique. Voici les réponses apportées par Ivan :
- Non, il n’existe aucune différence selon si le producteur vend ses GO séparément de son électricité ou s’il les vend au même acheteur. Le producteur est bien rémunéré dans les 2 cas.
« Ce qui compte c’est la valeur que le producteur obtient du cumul de la Responsabilité d’Equilibre et des Garanties d’Origine. » - Oui, il est possible d’avoir une offre 100% solaire, même si le soleil ne brille pas 24h/24.
« Si nous utilisons un maximum de GO solaires, les producteurs seront mieux rémunérés et enclin à investir dans la maintenance et la construction de nouveaux moyens de production. »
- Oui, il est utile de financer des centrales déjà amorties : elles ont tout de même besoin de fonctionner et d’être entretenues.
« Une centrale hydraulique [déjà amortie] doit être entretenue ; elle doit être considérée comme rentable pour ne pas être abandonnée au profit d’autres moyens de production […] »
- Non, l’ARENH n’est pas un mécanisme de traçabilité de l’électricité d’origine nucléaire. Le bénéficiaire de l’ARENH n’obtient ni physiquement, ni contractuellement, de l’électricité provenant de la filière nucléaire.
« L’ARENH ne soutient en rien le nucléaire. […] L’ARENH est une option gratuite qui oblige EDF à vendre en dessous du prix de marché. Donc si j’étais un antinucléaire, je choisirais une offre verte provenant d’un fournisseur qui utilise l’ARENH au maximum ! »
La transition énergétique européenne se joue en France
« La zone européenne est pertinente du fait que le réseau électrique européen est extrêmement dense et que le marché s’est organisé à cette échelle en établissant des règles communes. »
Le marché de l’électricité est le résultat d’un long travail de coopération entre les pays membre de l’UE. C’est pourquoi il est important de raisonner à échelle européenne et non nationale.
Carte du réseau électrique européen – Source : ENTSO-E, Grid Map
Il faut savoir que la France consomme environ 459 TWh [1] d’électricité par an soit un 6ème de la consommation européenne, mais que seulement 14,17% [2] de cette consommation est volontairement d’origine renouvelable. En 2022, nous avons émis pour 85,09 TWh de Garanties d’Origine : 29,52 TWh sont consommés en France quand 47,63 TWh ont été exportés [3].
« Nous pouvons raisonnablement dire que la France pénalise l’Europe entière. »
C’est donc en ce sens que la France a un réel rôle à jouer dans la transition énergétique européenne. Rappelons que le réseau électrique, c’est 29% des émissions de CO2 en Europe ! [4]
Un système vertueux qui pourrait être davantage optimisé pour arriver à ses fins
Nous avons longuement parlé du mécanisme bien huilé des GO et de ses avantages. Mais comme tout système, celui-ci n’est pas parfait et pourrait être amélioré. Voici les points d’optimisation évoqués par Ivan lors de son interview.
Adapter la méthode de calcul de l’empreinte carbone proposée par l’ADEME au standard international.
Explications. Les entreprises françaises de + de 500 salariés sont aujourd’hui dans l’obligation de calculer leur bilan carbone. Le calcul actuel ne tient pas compte de l’utilisation de GO (contrairement à la norme internationale). Rectifier ce point permettrait de valoriser la participation de ces entreprises à la transition énergétique.
« En s’opposant à la valorisation de la démarche d’utilisation de GO, il (l’ADEME) lui (le consommateur) fait obstacle dans sa participation à la transition énergétique. »
Imposer la transparence sur le mix énergétique des offres d’électricité des fournisseurs.
Ceci pour ne laisser aucun doute quant à la présence ou non (et la quantité) d’électricité verte dans les offres proposées aux clients finaux. Cette mesure mettrait ainsi fin aux publicités mensongères.
« La transparence sur le mix énergétique des offres d’électricité ne laisserait plus aucun doute sur la part d’électricité verte, l’origine technologique et géographique des énergies associées à ces offres. »
Maintenir les producteurs propriétaires de leurs GO.
Aujourd’hui, les producteurs qui bénéficient de subventions pour leurs émissions de GO, se voient de ce fait retirer ces dernières au profit de l’Etat. Les producteurs qui souhaitent mettre en place une offre d’électricité verte sont obligés de racheter leurs GO aux enchères.
« C’est dommageable, car cette injustice peut amener les entreprises lésées à discréditer le mécanisme des GO par frustration. Or ce ne sont pas les GO en soi le problème. C’est le fait de ne pas laisser une entreprise bénéficier de l’intégralité des droits lui donnant la possibilité de maximiser la valeur de sa production électrique dans le marché. »
Mettre en place un mécanisme de « full disclosure ».
Soit une traçabilité intégrale pour tous les MWh consommés, quelle que soit la source de l’électricité (renouvelable ou non). Cela aurait pour effet de mettre les consommateurs face à la réalité de ce qu’ils consomment et les inciter à changer au profit d’une offre verte.
« En Autriche, cette pratique a eu pour conséquence d’augmenter la consommation volontaire d’électricité de source renouvelable jusqu’à près de 80% ! »
👉 Pour retrouver l’intégralité de l’interview d’Ivan, n’hésitez pas à consulter la version complète de la controverse publiée par l’Energie en Lumière.
Sources :
[1] Rte ; Bilan électrique, 2022
[2] AIB ; European Residual Mix, 2022
[3] EEX ; Emissions et utilisation de GO, 2022
[4] Ministère de la Transition Ecologique ; « Chiffres clés du climat France, Europe et Monde », 2022
Photo by Xavier L.
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