La Norvège hors du système des GO, une opportunité pour la transition énergétique européenne
Le 13 septembre 2021, le parti travailliste norvégien mené par Jonas Gahr a remporté les élections législatives. Dans les semaines qui ont suivi, une rumeur a secoué le secteur européen des Garanties d’Origine. Les Norvégiens pourraient sortir du mécanisme européen de traçabilité de l’électricité. 🇳🇴
Pourquoi une telle décision ? Et quels seraient ses effets ? QuiEstVert s’est penché sur la question.
- Un affrontement historique autour de la GO en Norvège
- La Norvège largement nette exportatrice de GO
- Quelles conséquences pour le marché des GO européen ?
- La Norvège doit partir en prince, non en claquant la porte
- QuiEstVert soutient la volonté de la Norvège de se réapproprier son mix énergétique
Un affrontement historique autour de la GO en Norvège
Depuis la création du mécanisme des GO en 2001, la Norvège a été le terrain d’un affrontement de longue haleine entre les électriciens et les industriels norvégiens. Les premiers souhaitant faire partie intégrante du marché européen de l’électricité. Les seconds quant à eux, n’acceptaient pas le mécanisme des GO et refusaient d’utiliser des GO pour tracer l’électricité consommée. En conséquence, la Norvège présente un mix de consommation très carboné (seulement 37,05% EnR et 309,26 gCO2/kWh) en comparaison de son mix production très majoritairement renouvelable (99,07% EnR et 4,49 gCO2/kWh) [1].
La Norvège largement nette exportatrice de GO
Le marché des Garanties d’Origine est simple dans son fonctionnement. S’il y a plus d’offre que de demande, les prix sont bas, dû à cette offre trop grande. S’il y a plus de demande que d’offre, les prix augmentent, dû à la rareté des produits.
En 2020, la Norvège était le 1er pays émetteur de GO d’Europe (18,6% des émissions européennes) et exportait 96 TWh de Garanties d’Origine sur le marché européen [2]. Il se trouve qu’au même moment et comme depuis toujours, le marché des GO est long, ce qui signifie plus d’offre que de demande. Cette différence se chiffrait à 47 TWh en 2020. En conséquence, si la Norvège sort du marché, ce dernier deviendrait instantanément court.
Cette offre trop grande peut être directement imputée aux pays nets exportateurs de grands volumes de GO, dont la France et la Norvège sont les plus grands contributeurs. S’il est considéré l’hypothèse que les GO norvégiennes ne sont plus comptabilisées, le marché européen se retrouverait en conséquence court de 19 TWh de GO. Voilà pourquoi à l’annonce de la sortie de la Norvège, tout le marché des GO a tressailli.
Quelles conséquences pour le marché des GO européen ?
Si les GO norvégiennes sortent du marché, on retrouverait ce dernier en tension avec plus de demande que d’offre… D’autant plus que les Norvégiens exportent quasi exclusivement de la grande hydraulique, qui est le produit métronome de ce marché. Ainsi, les acteurs qui traitent ce produit habituellement devront trouver d’autres produits et/ou d’autres vendeurs.
Comme expliqué plus haut, la rareté d’un produit fait augmenter son prix. Dans le cas où la demande de grande hydraulique ne se verrait pas équilibrée, son prix augmenterait mécaniquement ainsi que tous les autres produits dans son sillage.
Plus de demande que d’offre…
Or que se passe-t-il quand la GO atteint des prix élevés ? Pour répondre à cette question, on peut regarder en arrière, à l’été 2018, quand il y a eu une suspicion de grande sécheresse en Scandinavie. Pour une cause différente, une conséquence similaire : il n’y a plus de GO de grande hydraulique nordiques pour alimenter le marché européen. Les prix se sont très rapidement envolés autour de 2,5€ pour la GO standard, pour atteindre localement sur des produits spécifiques les 7€ voire 8€. En effet, la demande n’ayant pu être satisfaite par des GO nordiques, elle s’est rabattue sur des produits plus rares et plus chers.
Une telle situation a eu deux effets. Le premier est de montrer la raison d’être de la Garantie d’Origine, qui est de tracer et de financer les producteurs d’électricité d’origine renouvelable. Prenons l’exemple des Pays-Bas. En 2018, avec une GO à de tels niveaux de prix (7€-8€) conjuguée à une forte demande nationale (55,6% de l’électricité consommée est renouvelable), les Pays-Bas furent les premiers à lancer la construction d’un parc éolien en mer de 760MW de puissance installée… Ceci sans aucune subvention étatique. La demande nationale restant forte, en 2019 et 2020, deux nouveaux parcs de puissance similaire furent lancés eux aussi sans aucune subvention de la part de l’Etat des Pays-Bas.
Taux de consommation volontaire d’électricité verte par pays européen (2021) [3]
Source : AIB, 2021
Voilà quelles sont les conséquences d’une forte demande. Les producteurs renouvelables sont directement financés par ses consommateurs via la GO qui s’accomplit en tant qu’outil au service de la transition énergétique.
La Norvège doit partir en prince, non en claquant la porte
Si la Norvège décide de sortir brutalement sans respecter sa participation historique à ce marché, elle risque de provoquer un séisme conséquent. En effet, une telle sortie enverrait un mauvais signal aux parties prenantes et décrédibiliserait le mécanisme dans sa globalité.
De plus, d’un point de vue structurel, tous les contrats en cours engageant des GO norvégiennes deviendraient caducs, ce qui pourrait déstabiliser bon nombre d’entreprises en Europe.
Cette hypothèse semble cependant peu probable. En effet, tant que membre de l’espace économique européen, la Norvège est aujourd’hui tenue de respecter la loi européenne. Ainsi, une sortie du mécanisme des GO encadré par l’article 19 de la directive européenne sur les énergies renouvelables remettrait en cause des collaborations économiques bien plus vastes que les simples Garanties d’Origine.
« La Norvège pourrait permettre à ses citoyens de consommer de l’électricité renouvelable produite sur le sol national… »
Une autre possibilité pourrait se profiler, celle d’une sortie « propre » de la Norvège. Cela consisterait à limiter ses exportations vers le marché européen, et permettre à ses citoyens de consommer l’électricité d’origine renouvelable produite sur le sol national. Dans un tel cas, un accord pourrait être trouvé avec l’UE pour permettre à la Norvège de continuer d’exporter ses GO marginales.
Cela aurait pour effet de rendre la Norvège d’autant plus attractive économiquement pour les entreprises car pleinement engagée dans la transition énergétique de son mix électrique. Un exemple que pourrait suivre l’Islande également dans une situation où son mix de production est extrêmement décarboné.
A noter qu’un tel cas de sortie d’un pays du marché des européens des GO n’est pas inédit en Europe. Avec le Brexit, les GO en provenance du Royaume-Uni ne sont ainsi plus reconnues en UE. De la même façon, la Suisse a été sortie du système européen en juillet 2021. Même conséquence : les GO Suisses ne sont plus reconnues en UE.
QuiEstVert soutient la volonté de la Norvège de se réapproprier son mix énergétique
Par cette annonce soudaine de retrait du système européen des GO, la Norvège semble réaliser l’importance de son engagement dans les énergies renouvelables.
La demande de GO croissant chaque année, la seule chose aujourd’hui qui bloque le financement des EnR par les consommateurs via la GO, sont les gros exportateurs comme la Norvège, la France ou encore l’Islande.
Donner l’opportunité aux Norvégien.ne.s de consommer leur propre électricité verte peut à la fois permettre à la Norvège de devenir économiquement plus attractive, mais également permettre à la Garantie d’Origine de s’accomplir.
👉 Si la Norvège sort proprement du mécanisme des Garanties d’Origine, le marché européen des GO peut arriver à générer plus de demande que d’offre, et permettre à la Garantie d’Origine de devenir enfin le mécanisme de financement pérenne des énergies renouvelables.
Retrouvez l’intégralité de l’article dans notre document PDF.
Sources :
[1] AIB – Mix résiduels européens ; 2021
[2] AIB – Rapport annuel 2020
[3] AIB – Mix résiduels européens ; 2021
Photo by Jason Blackeye ; Gonz DDL ; John O’Nolan
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